“Shakespeare seul a enfanté une humanité aussi large et
aussi vivante.”- Emile Zola, 1881 i5u20ul
Avec quatre-vingt onze romans et plus de deux mille personnages, dont certains
devenus des légendes littéraires, comme le Père Goriot,
Rastignac ou César Birotteau, Balzac a construit une œuvre, La Comédie
Humaine, qui reconstitue un demi-siècle de notre histoire, de la Restauration
a la Monarchie de Juillet, " embrassant toute une société
dans son fourmillement humain, la multiplicité de ses lieux et de ses
milieux, et l'enchevêtrement de ses détails matériels".
Ce qui impressionne chez Balzac, c'est son énergie et sa puissance de
travail. Comme l'écrit Jean d'Ormesson, " il n'y a pas dans les
lettres françaises, d'image plus familière que celle de Balzac,
installé en robe de chambre, une cafetière fumante devant lui,
au cœur de la nuit, a sa table de travail. " Il arrivait a
Balzac d'y passer jusqu'a dix huit heures d'affilée.
Puis il y a chez lui ce talent d'observation : ses descriptions d'une rue de
Paris ou d'une ville de province, de vêtements, de mobiliers, ou d'habitats
émanent d'un chroniqueur incroyablement attentif a tous les aspects
du réel. Ce don d'observation, parfois il en joue : " j'ai été
pourvu d'une grande puissance d'observation , écrit-il a Mme Hanska
, parce que j'ai été jeté a travers toutes sortes
de professions, involontairement …". En effet ses échecs dans
l'imprimerie et ses déboires financiers ont lancé a ses
trousses une horde d'huissiers intraitables. De ces expériences douloureuses,
il fait bon usage pour camper des situations et des personnages plus vrais que
nature.
A l'inverse, parfois il se défend d'user de ce talent d'observateur.
On connait sa fameuse réplique : " Comment voulez vous que
j'ai le temps d'observer, j'ai a peine celui d'écrire ? "
Car Balzac ne se contente pas de décrire la réalité, il
y a chez lui l'intuition de l'alchimiste qui cherche au dela des limites
de sa propre expérience : " j'enveloppe alors le monde par ma pensée,
je le pétris, je le façonne, je le pénètre, je le
comprends".
Balzac laissera une œuvre inachevée : La Comédie humaine
comprend quarante-six romans a l'état de projet. Epuisé,
a bout de forces, l'auteur de Splendeurs et Misères des Courtisanes
meurt a cinquante et un ans, après avoir réalisé
son rêve : épouser la comtesse Hanska . Selon la légende,
lorsqu'il s'éteint, en 1850, son dernier mot fut pour appeler a
son secours Bianchon, le médecin qu’il avait créé
dans la Comédie humaine : l'œuvre, gigantesque, se confondait avec
la réalité .